Les ETA frappées durement par la crise

Communiqué de presse - 20 septembre 2022

La crise menace les emplois des travailleurs en situation de handicap

Sans aide exceptionnelle, plusieurs entreprises de travail adapté (ETA) devront mettre la clef sous le paillasson dans moins de six mois. C’est le constat glaçant que font les directeurs des 12 ETA bruxelloises à la veille des négociations gouvernementales sur le budget de la COCOF. Ces entreprises d’économie sociale emploient 1450 travailleurs en situation de handicap et 350 encadrants. En cause : l’explosion des frais et des indexations salariales impossibles à répercuter sur les clients. Un investissement vital et inéluctable d’un minimum de 3 millions d’euros en 2022 sera nécessaire pour sauver l’emploi des plus fragiles.

Le cumul des résultats d’exploitation des ETA bruxelloises est sans appel : sans aide exceptionnelle, elles finiront 2022 avec un déficit estimé à près de 5 millions d’euros. Ces pertes ne pourront être compensées par des réserves qui fondent bien trop rapidement devant la flambée des prix de l’essence, du gaz et de l’électricité. Et le pire est à venir car ces dépenses ne feront que s’alourdir au fur et à mesure que les contrats « fixes » viendront à terme. Il en va de même pour les matières premières dont les prix s’envolent.

Si les ETA voient leur production augmenter, elles doivent constater que toute nouvelle marge qui se dégage est aussitôt balayée par le coût des achats indispensables à cette production.

Indexations salariales

Autre facteur aggravant : la succession rapide des indexations salariales. Loin de remettre en cause l’importance pour leurs travailleurs de bénéficier de ces indexations, les ETA doivent constater une répercussion importante sur leurs finances.

Aujourd’hui, les ETA sont extrêmement fières d’avoir pu faire revenir tout leur personnel dans les ateliers, car elles ont pu constater durant la pandémie les effets dramatiques du chômage Covid sur ce public cible pour lequel l’inclusion passe principalement par l’activité professionnelle. Ce retour au travail a un effet pervers puisque, très logiquement, il a augmenté la masse salariale. Or, les ETA reçoivent une aide de l’Etat sur les salaires qui permet tout juste de compenser le manque de productivité lié aux handicaps des travailleurs. Cette intervention est indexée, mais les ETA doivent supporter sur leurs fonds propres l’indexation sur la partie des salaires qui n’est pas subsidiée, soit un montant estimé à 2,6 millions d’euros.

« Nous n’arrivons pas à répercuter ces indexations et autres coûts supplémentaires sur nos clients, qui peinent aussi à garder la tête hors de l’eau, explique Jean Wouters (administrateur de la FEBRAP et directeur de TRAVIE, la plus grande ETA bruxelloise avec 335 travailleurs en situation de handicap). Les ateliers de manutention des ETA bruxelloises n’ont jamais été aussi occupés depuis les trois dernières années ! Pour preuve : nous dépasserons cette année le chiffre d’affaire de la dernière année « hors Covid » qui était une bonne année. Le paradoxe est d’autant plus frustrant pour nos travailleurs qui sont présents pour… travailler à perte ! »

Il faut bien entendu voir derrière ces chiffres globaux des difficultés parfois très différentes d’une ETA à l’autre. Les entreprises qui disposent de commerces spécialisés (comme la Ferme Nos Pilifs) ou de services de jardinage sont également impactées par la perte de pouvoir d’achat de leurs clients. D’autres, actives dans des secteurs en déclin structurel, luttent depuis longtemps pour maintenir et diversifier leurs activités. Des aides plus structurelles sont donc également à prévoir sur le plus long terme.

Attentes du secteur :

> Une aide conjoncturelle d’urgence de 3 millions
Très concrètement, la FEBRAP demande au Gouvernement bruxellois une aide ponctuelle d’urgence de 3 millions d’euros minimum en 2022 afin de compenser les résultats négatifs de 2022 dus à des phénomènes externes conjoncturels (indexations salariales, coûts de l’énergie et des matières premières, et perte de pouvoir d’achat des consommateurs).

> Des aides structurelles
A plus long terme, nous privilégions des mesures structurelles qui devraient, nous le pensons, permettre à nos entreprises d’être plus armées pour affronter le monde économique en permanente évolution.

La règlementation et le financement des entreprises de travail adapté sont toujours ceux des ateliers protégés du siècle passé. En particulier concernant le niveau d’encadrement qui est resté celui d’entreprise de sous-traitance où des grandes chaînes d’emballage et de conditionnement étaient mises à disposition des clients. Un encadrant bienveillant gérait facilement entre 10 et 15 travailleurs en situation de handicap, et aucune qualification particulière n’était nécessaire pour bien faire le job.

Tout a évolué. Bruxelles s’est désindustrialisée, forçant nos entreprises à développer de nouvelles activités beaucoup plus gourmandes en encadrement qualifié. Tout s’est en effet complexifié, de nouvelles normes apparaissent tous les jours et demandent un suivi administratif et technique beaucoup plus important qui ne peut pas toujours être confié aux travailleurs en situation de handicap.

En parallèle, la crise a accéléré le déclin de secteurs comme le print et le mailing, affectant particulièrement les nombreuses ETA qui y sont actives. Face à ces constats, nous avions adressé en mars dernier aux responsables politiques un catalogue de mesures destinées à rendre les ETA plus résilientes économiquement pour assurer un plus grand bien-être de leurs travailleurs. (Lire le catalogue de mesures)

En voici quelques exemples :

  • Mieux subventionner les postes d’encadrants, de RH et d’assistants sociaux considérant l’importance de ces postes pour assurer le but social de ces asbl.
  • Permettre le développement des activités à l’extérieur des murs de l’ETA (via des contrats à réaliser sur les sites des clients) pour mieux répondre aux besoins des entreprises bruxelloises.
  • Autoriser le cumul de certaines aides régionales avec les aides de la COCOF.
  • Créer une cellule de développeurs d’activités économiques pour les ETA bruxelloises.
  • Encourager le recours aux ETA pour les administrations publiques bruxelloises qui ne respectent par leur obligation d’engagement de personnes en situation de handicap.
  • Protéger du danger que représente la prison de Haren (les activités sont concurrentielles à celles de nos ETA et les prix annoncés seront une concurrence déloyale).

La FEBRAP est également consciente de l’importance de veiller à augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs en ETA. Des négociations sont en cours grâce aux budgets dégagés dans le cadre du dernier accord non marchand.

C’est la combinaison de ces mesures d’urgence et structurelles qui assurera un avenir à l’emploi des personnes en situation de handicap dans la capitale.

Pour Benoît Ceysens (Président de la FEBRAP), « toucher à l’emploi de nos travailleurs ‘extra’ ordinaires équivaudrait à faillir à la mission sociale des ETA. Nous nous battrons pour l’éviter à tout prix ! Le Gouvernement doit comprendre qu’il faut sauver nos asbl maintenant pour éviter des licenciements massifs demain qui auraient un impact terrible sur des travailleurs particulièrement « fragiles » et leurs familles, les poussant dans une précarité et une pauvreté extrême. Mais, plus pragmatiquement, ce ne serait pas un calcul financier intéressant pour les caisses de l’Etat. En effet : une personne en situation de handicap qui travaille en ETA coûtera toujours moins « cher » à l’Etat que si elle dépendait de l’assistance sociale. »

Contacts presse : Michaël Lans (Chargé de Communication FEBRAP) : 0491 34 05 50, michael.lans@febrap.be  

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